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18 décembre 2023
Pourquoi la consommation d'œufs de poules “de loisir” est déconseillée en Île-de-France
Polluants organiques persistants, ou POP. Ce sont des dioxines, dioxines-like, furanes, polychlorobiphényles (PCB), composés per et polyfluoroalkylés (PFAS), reliquats pour certains de l'activité industrielle, pour d'autres d'activité d'incinération (retombée du panache des incinérateurs d'ordures ménagères), voire d'activités des habitants (retardateurs de flamme dans de très nombreux matériels domestiques, de la moquette aux meubles, jusque dans les années 2000)… C'est à cause de ces POP que l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France a recommandé en novembre dernier « d'éviter la consommation régulière d'œufs de poule d'élevages domestiques situés dans les 410 communes constituant l'unité urbaine de Paris (à Paris, mais aussi dans l'ensemble des communes de Seine-Saint-Denis, des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne, certaines communes de Seine-et-Marne, des Yvelines, d'Essonne et du Val-d'Oise) » (voir l'illustration principale).
Tout commence en février 2022, quand l'association Toxicowatch publie les résultats d'une enquête réalisée sur 2021 sur les œufs issus de poulaillers domestiques (de petite taille et sans activité commerciale) de la région parisienne. Elle mettait en évidence la présence de POP de type dioxines/furanes et « à des teneurs significatives » dans les œufs issus de poulaillers « présents à proximité de l'usine d'incinération d'ordures ménagères d'Ivry-sur-Seine (94) ». L'ARS avait alors émis une recommandation de non-consommation des œufs pour les communes concernées par cette première étude (Paris XII et Paris XIII, Ivry-sur-Seine, Alfortville et Charenton-le-Pont) et s'était engagée alors à faire réaliser une étude indépendante sur les niveaux de contamination des œufs de tels poulaillers en région parisienne. L'étude a été conduite en deux temps, sur « 25 sites volontaires, dont 14 situés à proximité des trois principaux incinérateurs de déchets autour de Paris (Ivry-sur-Seine, Issy-Les-Moulineaux, Saint-Ouen) et 11 qui en sont éloignés ». D'abord un volet consacré à l'analyse des mêmes composés POP que ceux de l'ONG Toxicowatch, dont les premiers résultats ont été publiés en avril 2023. Puis, le 22 novembre dernier, l'ARS a publié à la fois l'étude intégrale et ses annexes et leurs résultats, ainsi que sa décision. Qui « recommande » d'éviter la consommation régulière de tels œufs, tandis que « la consommation ponctuelle d'œufs (moins d'une fois par semaine) issus de poulaillers domestiques situés dans ces départements reste envisageable, mais particulièrement non recommandée pour les enfants, les femmes enceintes et les femmes allaitantes ».
Les POP, sont aussi nommés « polluants éternels » car ils ont une durée de vie particulièrement longue dans l'environnement ( plusieurs décennies après l'arrêt complet des émissions). L'exposition humaine à ces composés se fait majoritairement (à 90 %) par voie alimentaire. L'ARS indique qu'il « n'existe aucun traitement pour éliminer ces substances de l'organisme. La principale mesure de prévention consiste à réduire ou éviter la consommation de produits alimentaires les plus contaminés » ; ils ne sont pas détruits par la cuisson. Pour l'essentiel :
L'ARS rappelle que « la consommation régulière d'aliments contaminés par les POP entraîne une imprégnation progressive de l'organisme qui peut avoir des effets sur la santé à long terme, comme une augmentation du risque de cancer, de troubles de la fertilité et de la grossesse, de certaines maladies métaboliques (diabète ou augmentation du taux de cholestérol) et des effets perturbateurs endocriniens. L'exposition aux PFAS est également associée à une diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination, constituant, selon l'EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments) l'effet le plus critique pour la santé humaine ». Pour cette étude, les analyses ont été réalisées par le LABERCA (Oniris), laboratoire de référence pour les POP.
Les poulaillers étudiés appartenaient soit à des particuliers (jardin individuel), ou étaient gérés en mode collectif (jardins partagés) ou encore en gestion déléguée (école, Ehpad, etc.). L'étude a consisté à l'analyse de sols superficiels prélevés sur les parcours des pondeuses de ces poulaillers (5 à 10 prélèvements par parcours), et de leurs œufs (2 par poulailler), entre le 8 et le 17 février 2023. Le premier volet a quantifié les niveaux de contamination en dioxines (7 congénères), furanes (10 congénères) et PCB (18 congénères). Le second volet a concerné les PFAS. Quatorze des 25 poulaillers avaient été sélectionnés comme étant sous les retombées possibles du panache d'un incinérateur de l'ordures ménagères. Les 11 autres poulaillers étaient en zone considérée comme n'étant pas exposés aux retombées des panaches d'incinérateurs (au-delà de 3 km d'une usine). Tous les prélèvements de sols contenaient des POP, mais pas à des teneurs comparables : il y a bien « une contamination de l'ensemble des prélèvements par les quatre familles de POP analysées, signifiant qu'elles sont présentes dans tout l'environnement urbain, et non pas spécifiquement aux abords des incinérateurs ». De fait, lorsqu'ils analysent les profils en dioxines, furanes et PCB des incinérateurs, les rapporteurs ne retrouvent pas les mêmes congénères dans les sols sous cette influence. C'est en revanche bien le cas pour les composés identifiés dans les sols et les œufs, ce qui est clairement en faveur d'un transfert par contamination alimentaire. Ce que l'analyse statistique détaillée dans le rapport confirme : « la corrélation entre la concentration observée dans les œufs et celle mesurée dans les sols est statistiquement significative ». Il reste que les œufs de 23 des 25 sites « dépassent le seuil réglementaire qui s'applique aux œufs commercialisés pour au moins une des quatre catégories de polluants recherchés » (voir le tableau ci-dessous).
Pour les personnes disposant de tels poulaillers, l'Anses a déjà publié des recommandations de bonnes pratiques pour limiter les risques sanitaires liés à l'autoconsommation des produits (de la pêche, de la ponte, de la cueillette, etc.). Ils figurent dans une brochure en libre accès, mais pour l'essentiel, du fait de la nature des POP, les mesures visant les poules “de loisir” sont de :
L'ARS IdF rappelle aussi que « les contrôles menés au niveau national par les services déconcentrés de l'État dans les élevages professionnels [de ponte] n'ont mis en évidence aucun dépassement des seuils réglementaires [de POP] applicables aux œufs parmi les centaines d'élevages contrôlés au cours des 5 dernières années »…
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