2 décembre 2024
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La France a son plan EcoAntibio depuis 2012. Les pays nordiques ont des plans nationaux depuis bien plus longtemps. D'autres pays à l'inverse sont plutôt en retard. Mais, dans l'Union européenne, il n'y a pas du plan EcoAntibio européen répondant à des règles communes. Même la liste et la définition des antibiotiques critiques ne sont pas identiques d'un pays à l'autre. En sus des fluoroquinolones et des céphalosporines de dernières générations (C3G/C4GC), certains pays y ajoutent les macrolides, d'autres la colistine etc.
Le projet de règlement européen sur le médicament vétérinaire qui semble désormais faire consensus encadrera, pour la première fois en droit européen, le recours à des antimicrobiens . En outre, ce projet de règlement tente aussi de promouvoir les alternatives aux antimicrobiens, c'est-à-dire, les médicaments dits immunologiques, principalement les vaccins.
Ce fil analyse ces mesures qui devraient être publiées au Journal officiel de l'Union Européenne d'ici la fin 2018 pour une application directe en droit trois ans plus tard soit en fin d'année 2021 (voir aussi LeFil du 19 juin 2018).
Première surprise. Ce règlement ne s'intéresse pas seulement à la résistance des antibiotiques, mais à celle des antimicrobiens. La grande famille des antimicrobiens inclut ainsi « les antibiotiques, les antiviraux, les antifongiques et les antiprotozoaires » comme les médicaments anticoccidiens. Toutefois, le champ d'application de ce règlement est limité aux seuls médicaments. Les additifs des aliments pour animaux, qu'ils s'agissent des conservateurs antimicrobiens ou des coccidiostatiques, ne sont évidemment pas concernés. De même, les désinfectants bactéricides, virucides, fongicides… classés parmi les biocides ne sont pas non plus visés par ces mesures relatives aux médicaments antimicrobiens.
Une ordonnance valable cinq jours.
Dans ce règlement, la validité d'une prescription d'antibiotiques est restreinte à cinq jours. Cela ne signifie pas que la durée du traitement prescrit est limitée à cinq jours. Mais, que les antibiotiques ne devraient plus pouvoir être délivrés par la présentation d'une ordonnance datant de plus de 5 jours (art 110, point 7). Cette limitation rappelle donc que les antibiotiques sont surtout destinés à des traitements curatifs qui ne pourraient donc pas être anticipés plus de cinq jours à l'avance.
Dès… 2021, le règlement souhaite aussi restreindre la prescription des antimicrobiens (antibiotiques, anticoccidiens, antiprotozoaires et antifongiques) en métaphylaxie et en prévention.
La métaphylaxie reste définie comme le traitement d'un groupe d'animaux, dans lequel le diagnostic d'une maladie clinique a été établi sur une partie du groupe. Il devra donc y avoir des animaux cliniquement malades dans le groupe avant le traitement. L'objectif est de traiter à la fois les animaux malades et d'éviter la propagation d'une maladie grave aux animaux en contact étroit avec les malades.
En métaphylaxie, il sera exigé une justification et un diagnostic de la maladie infectieuse par un vétérinaire. Sur cette base, il pourrait être exigé un examen complémentaire ou une analyse microbiologique (art. 110, point 00). Car les États membres devraient mettre en place des mesures nationales d'encadrement de la métaphylaxie afin de la restreindre seulement « quand le risque de diffusion de l'infection dans le lot d'animaux est élevé et en l'absence d'alternatives appropriées disponibles ». (art. 111a, point 3).
À l'inverse de la métaphylaxie, la « prophylaxie ou la prévention est le traitement d'un animal ou d'un groupe d'animaux avant l'émergence des signes cliniques d'une maladie, dans le but de prévenir l'apparition de la maladie ou de l'infection ». Les préventions par un vaccin, par un médicament anticoccidien ou par un antibiotique répondent donc à la même définition : protéger un animal apparemment sain (sans signe clinque) d'une infection ou d'une maladie.
Le Parlement européen proposait d'interdire l'usage des antimicrobiens en prévention. Le règlement n'a pas retenu l'interdiction mais un encadrement pour les préventions par un antimicrobien, qu'il s'agisse d'un antibiotique ou d'un médicament anticoccidien. Cette prévention doit être justifiée : il s'agit alors de prévenir une maladie « grave » durant la période où le risque d'infections est « très élevé » (art. 111a, point 3). En outre, les quantités prescrites sont limitées à la durée de la période à risque, comme d'ailleurs pour la métaphylaxie (art. 110 points 0 et 3). Enfin, la prévention par un antimicrobien ne serait pas compatible avec une administration collective, notamment par l'aliment ou l'eau de boisson. Les administrations devraient rester individuelles, au « cas par cas », « animal par animal », ce qui en limitera donc beaucoup la portée en élevages.
Le règlement prévoit d'établir assez rapidement, avant 2021, une liste d'antimicrobiens critiques réservés à la médecine humaine et donc interdits chez les animaux, y compris dans le cadre de la cascade (art. 32 point 4 et 111 point 4). Cette liste s'appliquerait aussi bien aux animaux de compagnie que de rente. Et, il serait exigé des pays tiers les mêmes interdictions pour les animaux et leurs denrées que ces pays souhaiteraient exporter vers l'Union européenne (art. 122a).
Cette liste d'antimicrobiens critiques ne serait pas la seule. La Commission européenne devrait aussi établir deux autres listes :
Nous en sommes donc déjà à trois listes différentes d'antibiotiques critiques. Elles seront établies en fonction du risque pour la santé (humaine et animale), de la disponibilité des éventuelles alternatives chez les animaux et chez l'homme, et de l'impact de l'absence de traitement pour les animaux (art. 111, point 5).
En outre, des États membres étant plus restrictifs que d'autres, ces États pourront, à titre volontaire, « restreindre ou interdire » l'usage chez les animaux d'autres antimicrobiens si leur usage leur apparaît contraire à un usage prudent de cette classe (art. 111, point 6). Ces restrictions nationales devraient être justifiées, proportionnées aux risques et communiqués à la Commission européenne (art. 111, points 6 à 8). Bref, au final, cela risque donc d'être complexe et finalement pas très harmonisé entre les pays d'Europe du Nord — où tout antibiotique ou presque serait critique — et ceux du sud — où les molécules critiques ne sont nécessairement pas très nombreuses.
Autre mesure phare de ce règlement, les États membres devront collecter les données de ventes et d'usage des antimicrobiens (antibiotiques, antiviraux, antifongiques et antiprotozoaires) afin de permettre une évaluation au niveau de l'élevage. Cette obligation est conforme au droit français qui impose déjà une telle collecte depuis le… 1er avril 2017. Mais la complexité de cette collecte et de l'analyse qui en découlerait n'a pas permis, pour le moment, de la mettre en place.
Toutefois, des données de ventes sont déjà collectées dans d'autres pays, notamment dans les pays nordiques, aux Pays-Bas ou en Allemagne. Et, il a partout été constaté que le seul fait de collecter ces données suffisait à faire très fortement le recours aux antibiotiques.
Compte tenu de la complexité de cette collecte, le règlement européen prévoit de très longs délais pour la mettre en place :
Aucune obligation de collecte n'est prévue pour les animaux de compagnie. Mais cela n'interdit toutefois pas les États membres de collecter les données pour les chiens et les chats. En France, la collecte qui devrait être mise en place chez les vétérinaires devrait inclure les ventes des antibiotiques destinés aux animaux de compagnie.
Du côté des alternatives, l'Europe ne semble pas s'intéresser à la phytothérapie. Dans les huit ans après la publication de ce règlement, soit aux alentours de 2026, la Commission devra proposer un rapport sur la phytothérapie, accompagné, si nécessaire, d'une proposition législative en vue de simplifier leur enregistrement (art. 149f). Les extraits végétaux sont donc renvoyés aux calendes grecques…
En revanche, le Conseil européen semble davantage convaincu de l'efficacité de la publicité pour les vaccins, pour accroître leurs usages et faire baisser le recours aux antimicrobiens. Par dérogation à l'interdiction en vigueur de publicité pour les éleveurs pour des médicaments sur prescription, ce règlement permettra aux États membres qui le souhaitent d'autoriser la publicité pour les médicaments immunologiques auprès des éleveurs (art 124). Toutefois, légalement, cette possibilité ne peut être ouverte qu'à compter de la date d'application de ce règlement, soit à la fin de l'année 2021.
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