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Elanco & Proplan

29 mars 2016

Pour la céfovécine et les fluoroquinolones, l’antibiogramme devient obligatoire vendredi 1er avril

par Eric Vandaële

Calculé par l’Anses à partir des quantités vendues par les laboratoires, l’indice d’exposition (Alea) des chiens et des chats aux fluoroquinolones (enrofloxacine, marbofloxacine) et à la céfovécine (C3G) a augmenté entre 1999 et 2010 avant de diminuer depuis. Source : compilation de données Anses-ANMV.

L’arrêté du 18 mars 2016 publié au Journal officiel du 25 mars liste neuf antibiotiques critiques vétérinaires : quatre céphalosporines de dernières générations (C3G/C4G), la céfovécine, le ceftiofur, la cefquinome, la céfopérazone, ainsi que cinq fluoroquinolones en « oxacine », l’enrofloxacine, la marbofloxacine, la pradofloxacine, la danofloxacine et l’orbifloxacine.

 
Calculé par l’Anses à partir des quantités vendues par les laboratoires, l’indice d’exposition (Alea) des chiens et des chats aux fluoroquinolones (enrofloxacine, marbofloxacine) et à la céfovécine (C3G) a augmenté entre 1999 et 2010 avant de diminuer depuis. Source : compilation de données Anses-ANMV.
 

L’arrêté qui liste les « antibiotiques critiques » est publié une semaine après le décret qui restreint leurs usages à la réalisation d’un antibiogramme démontrant « l’absence de molécule non critique efficace ou adaptée ». Le dispositif entre en vigueur vendredi prochain 1er avril. Avec quelques précisions supplémentaires, nous reproduisons ci-dessous LeFil du 19 mars qui décrit ces nouvelles obligations.

Sans surprise, l’arrêté classe comme antibiotiques critiques les fluoroquinolones et les céphalosporines de dernières générations (C3G/C4G). Pour ces deux classes, la loi d’avenir a fixé un objectif de réduction de 25 % en trois ans (2014, 2015, 2016).

Cela inclut donc les neuf molécules suivantes avec AMM vétérinaire :

  • Les fluoroquinolones en « oxacine » comme l’enrofloxacine (Baytril°…), la marbofloxacine (Marbocyl°, Forcyl°, Aurizon°…), la pradofloxacine (Veraflox°) et l’orbifloxacine (Posatex°) chez les animaux de compagnie,
  • Et toutes les céphalosporines de dernières générations (C3G/C4G), soit la céfovécine (Convenia°) pour les chiens et les chats et, principalement, le ceftiofur (Excenel°, Naxcel°…) et la cefquinome (Cobactan°, Virbactan°) dans les autres espèces.

Les topiques auriculaires (Aurizon° et Posatex° entre autres) sont donc inclus. Tout comme les intramammaires à base de cefquinome (Cobactan° LC et Virbactan°) ou de céfopérazone.

Tableau 1. Liste des antibiotiques critiques vétérinaires

50 antibiotiques humains interdits sauf…

À l’inverse, les autres antibiotiques humains à base de céphalosporines de troisième, quatrième et cinquième générations (C3G/C4G/C5G) ou de fluoroquinolones ne peuvent plus être prescrites par un vétérinaire ainsi que la plupart des molécules classées comme « critiques » par l’Agence nationale de sécurité du médicament (humain). Au global, cinquante antibiotiques humains deviennent interdits pour un usage vétérinaire.

Tableau 2. Liste des antibiotiques critiques humains

* Ces quelques antibiotiques humains critiques interdits pour la médecine vétérinaire restent accessibles aux vétérinaires équins dans le cadre du droit européen sur l’accès aux substances essentielles aux équidés.

Trois quinolones « humaines » pour l’ophtalmologie

Cette interdiction supporte toutefois deux dérogations.

  1. Pour les équidés, la ticarcilline contre les klebsielles et la rifampicine contre Rhodococcus equi peuvent toujours être prescrites au titre des substances essentielles listées dans le règlement européen 1950/2006.
  2. Les formes ophtalmiques de trois fluoroquinolones oculaires à usage humain (ciprofloxacine, norfloxacine et ofloxacine) peuvent être prescrites chez les animaux de compagnie et les équidés.

150 000 euros d’amende, 2 ans de prison.

Ces recours à des antibiotiques humains suivent alors les mêmes règles pour les antibiotiques critiques vétérinaires.

En cas d’infraction, la loi d’avenir prévoit des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à une amende de 150 000 euros et/ou deux ans de prison.

Antibiogramme pour justifier le recours

La prescription des molécules critiques n’est possible qu’après un antibiogramme et seulement « en l’absence d’antibiotique non critique suffisamment efficace ou adapté ».

Non seulement l’antibiogramme est obligatoire, mais il devrait mettre en lumière la nécessité de recourir à une fluoroquinolone ou une céphalosporine de dernières générations.

Normes Afnor NF U47-106 ou 107

L’arrêté précise que l’antibiogramme est réalisé selon une méthode de diffusion sur gélose décrite dans les normes Afnor NF U47-106 ou 107. Les kits rapides ne sont pas acceptés.

Il n’est pas exigé d’agrément particulier aux laboratoires d’analyses, du moment qu’ils respectent ces normes Afnor spécifiques à la santé animale. Par conséquent, les laboratoires publics, privés, de biologie humaine ou adossés à une clinique vétérinaire peuvent être utilisés si leurs analyses sont réalisées selon les normes Afnor NF U47-106 ou 107.

Conserver cinq ans les analyses

Pour le contrôle de l’application de ce dispositif, le vétérinaire prescripteur conserve les résultats de l’examen clinique et des analyses de laboratoire (antibiogrammes…) pendant au moins cinq ans. Il n’est pas exigé que les propriétaires ou les éleveurs conservent une copie de ces comptes rendus.

À l’impossible, nul n’est tenu

Le prélèvement est réalisé avant la prescription par le vétérinaire « ou sous sa responsabilité » sur un ou plusieurs animaux vivants ou morts « sous réserve que la localisation, le type d’infection et l’état général de l’animal permettent ce prélèvement ». En d’autres termes, « à l’impossible, nul n’est tenu ».

Le décret envisage deux autres situations où l’antibiogramme préalable n’est pas exigé : l’urgence ou des antibiogrammes datant de moins de trois mois.

Première dérogation : le prélèvement et l’antibiogramme ne sont pas exigés « si le vétérinaire prescripteur a connaissance de résultats d’analyses datant de moins de trois mois pour le même animal ou des animaux au même stade physiologique (dans le même élevage) et pour la même affection ».

Désescalade en cas d’urgence

Seconde dérogation : en cas d’urgence (« un risque aigu d’infection »), le vétérinaire peut prescrire un antibiotique critique « avant de prendre connaissance des résultats de l’antibiogramme » s’il suspecte que les antibiotiques non critiques « ne seront pas suffisamment efficaces ».

« Dans un délai de quatre jours, le vétérinaire adapte le traitement en fonction des résultats de l’antibiogramme et de l’évolution du contexte clinique et épidémiologique ».

Cela inscrit dans le droit la « désescalade » telle qu’elle est pratiquée en médecine humaine. En cas d’urgence, si l’état clinique des malades ne permet pas d’attendre les résultats des analyses microbiologiques, un antibiotique critique est prescrit du fait, soit de son large spectre, soit d’une forte probabilité de germes résistants dans l’affection visée. Puis, lorsque les résultats de l’analyse et de l’antibiogramme sont connus, généralement dans les 48-72 heures, il est prescrit, si possible, un antibiotique à spectre étroit et non critique. Le délai réglementaire est ici d’au maximum 4 jours.

La cascade reste permise

La prescription « hors AMM » des antibiotiques critiques n’est pas interdite dans le cadre de la cascade, c’est-à-dire en l’absence d’indication « AMM » dans l’espèce et/ou l’affection à traiter. Le respect des « contre-indications » et des « précautions d’emploi » du RCP (résumé des caractéristiques du produit) devient obligatoire. Car il figure dans ces deux rubriques des précautions sur l’usage prudent des antibiotiques comme leur usage en seconde intention : seulement « en cas d’échec ou d’échec prévisible ».

Le non-respect de ces deux rubriques (4.3 et 4.5) des RCP des antibiotiques critiques devient une infraction pénale pouvant être lourdement sanctionnée.

Une ordonnance limitée à un mois

Trois dispositions limitent strictement la validité de l’ordonnance à un mois.

1) La durée du traitement prescrit ne dépasse par un mois au maximum, même si les durées mentionnées dans les RCP sont supérieures à un mois. C’est notamment le cas pour les pyodermites profondes des chiens où les durées de traitement « RCP » vont au-delà de 30 jours.

Pour prolonger la durée du traitement, il conviendra alors de renouveler la prescription après un nouvel examen clinique de l’animal (en se basant sur les résultats de l’antibiogramme précédent s’il date de moins de trois mois).

2) La durée de validité de l’ordonnance est aussi réduite à un mois (au lieu d’un an dans le cas général). Une ordonnance datant de plus d’un mois ne pourra donc plus servir de justificatif pour une délivrance, même si elle n’a jamais été exécutée depuis la date de sa rédaction. En outre, le détenteur des animaux ne pourra plus justifier un traitement par un antibiotique critique si son ordonnance date de plus d’un mois.

Renouvellement interdit

3) Le renouvellement de la délivrance à partir de la même ordonnance devient interdit. Par exemple, un traitement prescrit et délivré pour une durée de 7 jours ne pourra pas être renouvelé une seconde fois, même si le vétérinaire mentionne sur l’ordonnance « à renouveler « x » fois ». Jusqu’à présent, les antibiotiques étant inscrits en liste I des substances vénéneuses, le renouvellement était déjà interdit sauf mention contraire du prescripteur.

Pas de prescription sans examen clinique

En productions animales, la prescription « hors examen clinique » n’est plus possible pour une molécule critique. L’examen clinique préalable est réalisé par le vétérinaire prescripteur et comprend une analyse du contexte épidémiologique.

Antibioprophylaxie interdite

Le décret interdit la prescription des antibiotiques critiques dans les traitements préventifs. Les antibiotiques critiques sont réservés au traitement curatif et à la métaphylaxie seulement « en l’absence d’antibiotique non critique suffisamment efficace ou adapté ».

Pour la métaphylaxie, cette prescription n’est possible « que si le vétérinaire suspecte une maladie présentant un taux élevé de mortalité ou de morbidité, pour laquelle, en l’absence de traitement précoce, une propagation rapide à l’ensemble des animaux est inévitable ».