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23 novembre 2015
Antibiotiques critiques : avec les quinolones et les C3G/C4G, la liste est sans surprise
La future liste officielle des antibiotiques critiques interdit l’usage de 50 antibiotiques critiques « humains ».
D’ici à la fin de l’année, un nouveau dispositif réglementaire sur les antibiotiques critiques vétérinaires devrait être publié au Journal officiel pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2016. Un décret encadrera strictement leur prescription, ce qui devrait en réduire fortement l’usage (voir le Fil de demain 24 novembre 2015). Point clef : un arrêté fixera la liste des antibiotiques critiques concernés par ces mesures de restriction. Des projets finaux viennent d’être diffusés aux organisations professionnelles pour information. Il ne s’agit plus de textes soumis à consultation. Ces derniers projets prennent en compte les avis de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) et de celle du médicament humain (ANSM). Néanmoins, ces textes n’étant pas encore publiés au Journal officiel, ils sont toujours susceptibles d’être modifiés avant cette parution.
Sans surprise, le projet d’arrêté classe comme « critiques » les fluoroquinolones en « oxacine » et toutes les céphalosporines de dernières générations (C3G/C4G), y compris la céfovécine pour les chiens et les chats.
Ni la fluméquine (Flumiquil°), ni l’acide oxolinique (Inoxyl°, Oxomid°) ne seraient classés comme « critiques ». Le projet d’arrêté désigne les quinolones critiques comme celles de « seconde génération ». En médecine vétérinaire, il est plus habituel de les qualifier de troisième génération, voire de quatrième génération pour la pradofloxacine dont le spectre est étendu aux anaérobies. Les formes auriculaires à base de fluoroquinolones (Aurizon°, Posatex°…) ne dérogent pas à cette inscription comme antibiotiques critique.
De même, pour les céphalosporines de dernières générations, les formes intramammaires de cefquinome (Cobactan°, Virbactan°) et de céfopérazone (Pathozone°) ne dérogent pas à l’inscription comme antibiotique critique dans le dernier projet d’arrêté.
Selon le projet de décret, la prescription de ces médicaments ne sera possible qu’après un examen clinique et un antibiogramme — sauf s’il n’est pas réalisable —. Les antibiotiques non critiques devraient alors être exclus (voir le Fil de demain 24 novembre 2015).
Les fluoroquinolones et les C3G/C4G sont les deux seules classes d’antibiotiques avec AMM vétérinaire qui sont classées comme critiques. Alors que de nombreuses autres classes ont pu être évoquées par analogie avec la médecine humaine, notamment la colistine, les aminosides, les macrolides, l’amoxicilline (+ acide clavulanique)… ou même les phénicolés !
En revanche, la prescription de médicaments humains à base de C3G/C4G ou de fluoroquinolones est interdite aux vétérinaires, ainsi que la plupart des autres antibiotiques humains classés comme critiques par l’agence du médicament humain. Au total, ce sont cinquante molécules qui ne pourront plus être prescrites par les vétérinaires, même pour des animaux de compagnie, mais avec quelques exceptions chez les équidés.
* Ces quelques antibiotiques humains critiques interdits pour la médecine vétérinaire devraient rester accessibles aux vétérinaires équins dans le cadre du droit européen sur l’accès aux substances essentielles aux équidés.
Le droit européen sur les substances essentielles aux équidés oblige à introduire cinq dérogations à l’interdiction d’emploi chez les animaux de ces 50 antibiotiques humains critiques. Parmi les 88 substances essentielles aux équidés listées par le règlement 1950/2006 actualisé en 2013, la ticarcilline, la rifampicine et les fluoroquinolones sous des formes oculaires doivent être accessibles pour le traitement des chevaux qui le nécessiteraient en l’absence d’alternative. Les indications sont toutefois restreintes aux infections à klebsielles pour la ticarcilline et à Rhodococcus equi pour la rifampicine. Dans de tels cas, les règles applicables à la prescription des fluoroquinolones et des C3G/C4G vétérinaires, devraient aussi s’appliquer à leur emploi chez les équidés avec notamment un antibiogramme et une justification de l’exclusion des antibiotiques non critiques.
Dans son avis, l’Agence du médicament humain (ANSM) laisse entendre que la liste des antibiotiques critiques vétérinaires devrait être « cohérente » avec celle de la médecine humaine dans un concept « one health ». Mais cette agence reconnaît aussi sa « méconnaissance de la médecine vétérinaire », voire son « incompétence » à juger des mesures de restriction associées à une telle classification. Elle est donc prudente dans ses observations. Elle n’impose donc pas explicitement que tous les antibiotiques qu’elle a classés comme « critiques » pour la médecine humaine, le soient pour les vétérinaires, même si cela lui apparaît évidemment plus « cohérent ».
La liste des antibiotiques critiques « humains », qui, malgré cet avis de l’ANSM, ne devraient pas être classés comme « critiques » pour les vétérinaires, comprend :
Il est évident que la classification comme critique de ces antibiotiques, considérés comme de première intention en santé animale, n’aurait pas été comprise par les vétérinaires.
L’ANSM souligne aussi qu’elle n’est pas plus compétente en médecine humaine pour juger des mesures de restriction ou d’interdiction associées à sa classification comme « critique ». D’ailleurs, en médecine humaine, le classement en 2013 de l’amoxicilline + acide clavulanique comme antibiotique critique n’a conduit à aucune mesure concrète de restriction de sa prescription…
Dans le cas de colistine, l’ANSM était plus pressante. « Il semble cohérent que la colistine figure dans la liste des antibiotiques critiques vétérinaires », écrit-elle, même si les « réflexions [de trois agences sanitaires européennes] sont rassurantes en termes de transmission de la résistance de l’animal à l’homme ».
L’analyse de l’Anses est beaucoup plus étayée que celle de l’ANSM. L’Anses conclut que « la colistine ne doit pas être incluse dans la liste des antibiotiques critiques (vétérinaires) ». Mais « il est cependant nécessaire de surveiller l’évolution de la résistance chez les animaux de rente et de compagnie ».
En s’appuyant sur les avis de l’Agence européenne du médicament et ses précédents rapports, l’Anses ne préconise donc aucune mesure de restriction de la prescription de la colistine par rapport aux autres antibiotiques non critiques (voir aussi LeFil du 17 août 2015).
En effet, ni l’OMS pour la médecine humaine, ni l’OIE pour la santé animale n’ont classé la colistine parmi les antibiotiques critiques prioritaires pour lesquels des mesures urgentes de restriction devraient être mises en place. Seule l’ANSM l’a classé ainsi en 2013 comme molécule « de dernier recours » pour certaines infections nosocomiales résistantes aux carbapénèmes. En France, l’usage hospitalier de la colistine reste exceptionnel. Elle est ainsi quatre fois moins utilisée que les carbapénèmes (0,008 DDD/1000hab/j pour la colistine contre 0,033 pour les carbapénèmes).
À l’inverse, en productions animales, la colistine par voie orale est l'un des antibiotiques de première intention les plus utilisés pour le traitement des infections digestives depuis des décennies. Et malgré cela, la résistance des entérobactéries reste faible (1 à 3 %).
Les résistances à la colistine, dues à des mutations chromosomiques, sont « en théorie non transférables par des éléments génétiques mobiles » (plasmides). « Il n’y a aucune preuve de transmission des résistances à la colistine des animaux à l’homme (et inversement) ». Les données semblent plutôt indiquer que l’impact des usages chez les animaux est nul ou faible sur l’émergence des résistances chez l’homme.
La colistine a peu d’alternatives en productions animales. Son remplacement éventuel par des C3G/C4G ou des fluoroquinolones serait beaucoup plus « préoccupant » que son maintien dans les antibiotiques de première intention.
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