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10 décembre 2024
Trois vétérinaires européens sur cinq font des analyses pour suspicion de Cushing en l'absence de signes cliniques évocateurs
Pour le praticien généraliste, « le choix de l'approche diagnostique pour la mise en évidence d'une maladie de Cushing est influencé par des facteurs individuels, tels que l'expertise clinique, l'expérience et les préférences personnelles ». Car il n'y a pas de gold standard pour ce diagnostic, et plusieurs méthodes sont disponibles, qui présentent toutes certaines limites, mais dont les performances ont été validées sur des chiens « qui présentent des signes cliniques cohérents » avec une suspicion de Cushing. Or justement, une étude européenne auprès de praticiens généralistes de 9 pays (dont la France) montre que pour 60 % de ces cliniciens, les tests diagnostiques ont été administrés à des chiens « qui ne présentaient pas de signes cliniques évocateurs » de Cushing…
Clairement, il n'y a pas de test parfait pour le diagnostic de Cushing :
Outre une origine iatrogène, les deux causes dominantes d'une maladie de Cushing sont les tumeurs hypophysaires, devant celles des surrénales. Pour identifier l'étiologie, et une fois l'hypercortisolémie confirmée, il est possible de doser l'ACTH endogène (test fiable mais avec des conditions strictes pour la prise en charge du prélèvement (plasma). L'imagerie médicale (échographie, CT-scan, IRM) permet aussi de conclure, mais n'est pas toujours disponible. Et le test de suppression à la dexaméthasone à faible dose permet de conclure pour un cas sur deux environ. Le test de suppression à la dexaméthasone à forte dose permet alors de conclure pour un tiers des autres cas. Le questionnaire établi par les cliniciens de six universités européennes et de trois structures privées de référés (en Espagne, Grande-Bretagne et France) prenait en compte cette variabilité des approches :
Le questionnaire est resté disponible en ligne pour les praticiens généralistes de janvier à octobre 2021, et sa publicité a été réalisée via les réseaux sociaux, des listes d'adresses email, via les laboratoires de diagnostic et à l'occasion des congrès de formation continue. Les auteurs calculent avoir proposé le questionnaire à un peu plus de 97 000 praticiens en Belgique, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Espagne et Suisse. Ils ont eu 2,3 % de retours (2 178 questionnaires exploitables). Parmi les répondants et au regard de la population vétérinaire de chaque pays, il n'y a qu'au Luxembourg où la proportion de répondants est cohérente avec la taille de la population vétérinaire. Italie et Portugal sont sur-représentés (p<0,001), alors que les répondants des 6 autres pays sont sous-représentés. Ils exerçaient en grande majorité (88 %) en zone urbaine ou suburbaine et la médiane de leur expérience professionnelle était de 13 ans (93 % en canine). La prise en charge de cette pathologie est fréquente en cabinet généraliste : en moyenne, les répondants estiment investiguer 5 suspicions par an et aboutir à un diagnostic de Cushing 3 fois par an.
Lors de suspicion de Cushing, un tiers des répondants ne réalise pas de tests biochimique (ni urinaire) avant de lancer une exploration de la fonction endocrine, mais cette moyenne reflète des disparités : un test biochimique est réalisé par 100 % des répondants suisses (n=6) et irlandais (n=15), 95 % des Français (n=314) et Portugais (n=248), 78 % des Néerlandais (n=14) et 25 % des Italiens (n=326). En Italie, ce test n'était jamais réalisé pour 55 % des répondants, tandis qu'ils étaient < 5 % à ne jamais le faire dans les autres pays.
Pour ce qui est du test endocrine, 97,3 % des répondants explorent la fonction surrénalienne, les 2,7 % restants font « un diagnostic thérapeutique ». Parmi les premiers, deux tiers « ont toujours recours au même test » (voir l'illustration principale), tandis que le tiers restant « utilisent un test différent, selon la nature de la suspicion ». Mais 60 % des répondants réalisant des tests endocrines « envisageraient de les réaliser sur des cas sans signes cliniques évocateurs, mais présentant des anomalies clinicopathologiques ». Ces éléments « suggèrent que la sélection inappropriée des cas pour les tests endocriniens est fréquente parmi les praticiens, ce qui pourrait contribuer à de fréquentes erreurs de diagnostic ». Puisque, « du fait de l'imperfection inhérente aux tests endocriniens pour mettre en évidence l'hypercorticisme, le consensus parmi les endocrinologues est de ne réaliser ces tests qu'en présence de signes cliniques du syndrome de Cushing ». D'autant que, parmi les répondants qui réalisent un test de stimulation de l'ACTH, un résultat dans l'intervalle de référence est interprété pour un tiers des répondants comme une infirmation de la présence de Cushing et à peine moins d'un tiers (32 %) ne savent pas comment interpréter ce résultat. Pour ceux qui réalisent le test de suppression à la dexaméthasone à faible dose, 43 % excluent un Cushing si le résultat est dans l'intervalle de référence et 32 % ne savent pas interpréter ce résultat. Pour le ratio urinaire, ces proportions étaient de 65 et 25 %, respectivement. En l'absence d'interprétation pour des valeurs dans l'intervalle de référence, les praticiens pourraient avoir tendance à prescrire d'autres tests, « pouvant alors conduire à des diagnostics erronés ».
En l'absence de contrainte financière pour le patient, un praticien sur cinq (21 %) ne tente pas d'identifier l'origine du Cushing (hypophysaire ou surrénalienne), ce qui a des conséquences en termes de pronostic, puisque ces patients ont des durées de survie différentes. Parmi ceux qui explorent cette différenciation, il y en a qui ne le font « que pour les grandes races (20 %) et d'autre que pour les petites races (8 %) ». Pour les autres, l'approche est au cas par cas, « et dépend du propriétaire ». Lorsque la différenciation est envisagée, l'outil le plus cité est l'échographie abdominale (81 %), devant le test de suppression à la dexaméthasone à faible dose (46 %), le scanner ou l'IRM de l'encéphale (11 %), le test de stimulation de l'ACTH (11 %), le test de suppression à la dexaméthasone à forte dose (8 %), le cortisol libre urinaire (8 %) ou l'IRM ou le scanner abdominal (6 %). Ainsi, l'approche de la maladie de Cushing par les praticiens est « très variable ». Elle dépendra, indiquent les auteurs, de « plusieurs facteurs, notamment l'expérience clinique, la familiarité avec des méthodes de test distinctes ou le syndrome lui-même, l'influence des établissements universitaires locaux, des programmes de formation clinique et des organisations professionnelles, ainsi que l'absence d'approches standardisées » qui fassent l'objet d'un consensus scientifique.
Le questionnaire demandait aussi aux praticien la proportion de cas, suspects ou confirmés selon eux, qu'ils ont référé à un spécialiste (médecine interne ou dermatologie) sur les 5 dernières années. Plus des deux tiers (70 %) indiquent ne proposer au maître de référer au mieux que dans 20 % des cas. Quant à la proportion de cas référés, elle est de 1 sur 10. À noter que 8 % des répondants réfèrent systématiquement leurs suspicions de Cushing. Au bilan, les auteurs préviennent que « ces résultats font redouter des erreurs de diagnostic fréquentes et une prise en charge sous-optimale des cas diagnostiqués » et encouragent une formation plus soutenue sur cette pathologie.
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