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Elanco & Proplan

30 septembre 2024

Un masque chirurgical contaminé peut transmettre du virus grippal par contact : info ou intox ?

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Une étude a quantifié expérimentalement la quantité de virus grippal qui serait transférée de la face externe d'un masque chirurgical fortement exposé au bout d'un doigt, après un contact limité : il y en a « très peu ou pas » (Fan et coll., 2024).
Une étude a quantifié expérimentalement la quantité de virus grippal qui serait transférée de la face externe d'un masque chirurgical fortement exposé au bout d'un doigt, après un contact limité : il y en a « très peu ou pas » (Fan et coll., 2024).
 

Bien qu'ils soient japonais, les auteurs de ces expériences font une réponse de normand à la question de savoir si un masque chirurgical contaminé par du virus grippal peut être source de virus infectieux par contact : « bien que les masques aient été exposés à des niveaux élevés de contamination virale, très peu de virus viable, voire aucun, a été transféré avec succès du masque au doigt lors de [leurs] expériences ».

Machine qui tousse

Leur objectif était avant tout d'apporter des éléments permettant de répondre à la question de la transmission du virus grippal par contact, direct ou indirect, car la littérature scientifique est pauvre, voire étique, sur le sujet. Une série d'expériences a donc été mise en place en laboratoire protégé, consistant à déposer du virus infectieux (H3N2 de la grippe saisonnière) sur la face externe de masques chirurgicaux :

  • Par nébulisation (30 secondes) car cela est sensé mimer les conditions habituelles de contamination de la partie externe des masques via l'environnement, après qu'une personne infectée a éternué, par exemple ;
  • Par une « machine qui tousse » (5 fois), qui simule l'expulsion de gouttelettes respiratoires lors de forte toux (particules émises à 9-12 m/s) ;
  • Par pulvérisation (2 fois) pour mimer les grosses gouttelettes émises lorsqu'une personne postillonne, tousse ou renifle (elles voyagent moins d'un mètre). Le dispositif permettait de générer des gouttelettes de 100, 200 ou 500 µm de diamètre et l'expérience était réalisée pour chacun d'entre ces réglages.

Un mannequin dont la tête était revêtue du masque et dont la bouche est reliée à un dispositif d'inspiration/expiration était placé à 1 ou 2 m de la source de virus. Il respirait pendant 30 minutes après le début des émissions, de manière à ce que les particules comportant les virus puissent atteindre le masque lors des “inspirations”. Pour les “grosses gouttelettes”, le spray était réalisé à 40 cm de la tête (masquée) du mannequin, sans simulation respiratoire.

Passage du doigt

Les expériences ont été réalisées à 20° C et en présence de 20 % d'humidité relative (conditions assez favorables à la survie du virus dans l'air), sauf pour la pulvérisation (20 et 30° C et HR de 20, 50 et 70 %). À la fin de la demi-heure de “respiration” du mannequin, une personne dont le doigt avait été désinfecté à l'alcool à 70° C venait passer la pulpe de son index sur 2 x 2 cm du masque, à l'emplacement de la bouche, puis son doigt était immédiatement rincé (20 ml sur 3 secondes) dans un milieu de culture (MEM). Ce milieu était ensuite transféré en culture cellulaire, pour incubation puis comptage de réplication virale éventuelle. En parallèle, un carré de 2 x 2 cm adjacent à la zone touchée était découpé, placé dans le milieu, puis celui-ci était utilisé pour quantification de l'ARN viral.

Pas ou peu de virus

Pour ce qui est des analyses réalisées à partir du matériau des masques, aucun virus viable n'a été détecté. Pour ce qui est du contact du doigt, la viabilité présente était sous le seuil de détection de la méthode (10 UFP), que la tête du mannequin se trouve à 1 ou 2 m de la source d'aérosol. « Aucun virus ou seulement une petite quantité (10 UFP maximum) n'a été détecté dans les expériences utilisant le nébuliseur et la machine à tousser, qui ont utilisé de grandes quantités de virus dans des conditions raisonnablement favorables à la survie du virus de la grippe ». Par pulvérisation, il y avait du virus viable en très faible quantité à 20° C et 20 % de HR quelle que soit la taille des gouttelettes (autour de 10 UFP), et à 30° C pour 20 et 50 % de RH. Pour les auteurs, ces résultats ne sont pas surprenants puisque les masques chirurgicaux sont conçus pour « capturer et piéger les particules aérosolisées ». Connaissant le débit de la machine émettrice (225 l en 30 minutes), ils calculent la quantité maximale de virus pouvant se déposer sur la totalité d'un masque (voir l'illustration principale). Cela fournit une estimation « bien plus élevé que les charges virales ambiantes en aérosol pour la grippe figurant dans les études réalisées en conditions réelles. Pourtant, malgré l'exposition du masque à ces charges massives, peu ou pas de virus viable a été transféré au bout du doigt à partir de la surface du masque ». Le risque de transmission virale par ce type de contact (doigts/surface externe du masque) « semble extrêmement faible, contrairement aux conseils de contrôle de l'infection couramment cités » à l'hôpital.

Ils préviennent que cela ne signifie pas que le lavage des mains et la prévention de la transmission par les vecteurs inanimés ne sont pas importants. Mais que ces résultats peuvent être étendus à « différents types/sous-types d'autres virus de la grippe humaine », voire qu'ils « s'appliquent probablement aux autres virus respiratoires humains transmis par voie aérienne ».