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Elanco & Proplan

4 septembre 2024

Intérêt d'un biomarqueur urinaire, la NGAL, pour identifier précocement les lésions rénales des chiens leishmaniens

par Corinne Descours-Renvier

Temps de lecture  5 min

La NGAL, biomarqueur déjà utilisé en médecine humaine, vient de voir son intérêt validé pour la détection de la maladie rénale chez les chiens leishmaniens, dans une étude espagnole. Ses auteurs estiment que son dosage devrait se développer en médecine vétérinaire (cliché : Vet-Girl).
La NGAL, biomarqueur déjà utilisé en médecine humaine, vient de voir son intérêt validé pour la détection de la maladie rénale chez les chiens leishmaniens, dans une étude espagnole. Ses auteurs estiment que son dosage devrait se développer en médecine vétérinaire (cliché : Vet-Girl).
 

La maladie rénale fait partie des nombreuses comorbidités observées dans les cas de leishmaniose canine. Cette affection aboutit fréquemment au décès de ces patients. Partant du constat que les biomarqueurs traditionnels comme l'urée et la créatinine ne révèlent l'atteinte rénale qu'aux stades avancés de la maladie, les auteurs d'un article publié récemment en ligne dans Veterinary Parasitology évaluent l'intérêt d'un paramètre susceptible de fournir un diagnostic plus précoce : la lipocaline associée à la gélatinase des neutrophiles (neutrophil gelatinase-associated lipocalin) ou NGAL.

La NGAL, un biomarqueur prometteur

La mesure des concentrations urinaire et plasmatique de cette protéine appartenant à la famille des lipocalines est déjà utilisée chez l'homme pour diagnostiquer des atteintes rénales aiguës ou chroniques. En laboratoire, la NGAL a également été reconnue comme un marqueur précoce et fiable des atteintes rénales sur d'autres modèles animaux. Son intérêt en médecine vétérinaire est en cours d'évaluation dans plusieurs autres maladies.

Une cinquantaine de chiens atteints de leishmaniose

L'étude a été réalisée à l'hôpital vétérinaire de l'Université d'Estrémadure (Espagne) entre février 2022 et juin 2023. Soixante-huit chiens ont été sélectionnés par les chercheurs : 15 sains constituant un groupe témoin et 53 atteints de leishmaniose. Pour être inclus dans le second groupe, les animaux infectés devaient être âgés de plus d'un an, ne présenter aucune pathologie associée (absence d'infection urinaire en particulier) et ne pas avoir reçu de traitement anti-leishmanien. Le diagnostic de leishmaniose reposait sur la présence de signes cliniques associés à un titrage sérologique. Dans 28 cas, le parasite a par ailleurs été mis en évidence par visualisation directe dans un nœud lymphatique, aspiration de la moelle osseuse ou encore par PCR. L'ensemble des animaux a été évalué cliniquement. Des examens complémentaires ont également été réalisés :

  • échographie abdominale,
  • profil biochimique : urée, créatinine, diméthylarginine symétrique (SDMA), cholestérol, phosphores, protéines totales, albumine, cystatine C et NGAL,
  • analyses urinaires : densité, rapport protéine/créatinine urinaires (UPC), cystatine C et rapport NGAL-créatinine urinaires,
  • analyses fécales (recherche de parasites).

En cas d'insuffisance rénale, les animaux ont été classés selon les critères de l'IRIS (International Renal Interest Society).

Majorité au stade IRIS 1

L'âge moyen des animaux est de 5,6 ans (2,5 à 8,2 ans) dans le groupe témoin et 6,8 ans (1,8 et 11,2 ans) dans le groupe leishmanien. Parmi les animaux infectés par Leishmania, 34 ont été classés au stade IRIS 1 (64,15 %), 9 au stade IRIS 2 (16,98 %), ainsi que 4 au stade IRIS 3 et 6 au stade IRIS 4. Les chiens au stade IRIS 1 ont ensuite été répartis en fonction de la présence ou de l'absence d'une protéinurie : ils étaient 13 sans protéinurie (UPC < 0,2), 8 au stade IRIS 1 intermédiaire (UPC comprise entre 0,2 et 0,5) et 13 avec protéinurie avérée (UPC > 0,5).

Des signes biochimiques d'insuffisance rénale très précoces

Comme dans la plupart des études précédentes, les chiens atteints de leishmaniose ont tendance à développer une anémie normocytaire et normochrome, accompagnée d'une lymphocytopénie. Les auteurs observent également une hypoalbuminémie et une hyperglobulinémie. La concentration plasmatique en urée, créatinine et phosphore n'est significativement augmentée qu'à partir du stade IRIS 2. En revanche, la concentration plasmatique moyenne de la SDMA et celle de la cystatine C, deux marqueurs précoces d'insuffisance rénale, sont significativement augmentées par rapport au groupe témoin dès le stade IRIS 1, et ce, même en l'absence de protéinurie. La concentration sérique en NGAL augmente elle aussi, mais plus modérément.

Le rapport NGAL-créatinine urinaires augmenté à tous les stades

Les rapports cystatine C-créatinine et NGAL-créatinine urinaires sont significativement augmentés à tous les stades IRIS chez les chiens leishmaniens, avec toutefois d'importantes variations individuelles. Aux stades précoces d'insuffisance rénale en particulier, la valeur médiane du rapport cystatine C-créatinine urinaires est de 588,20 µg/g (129,03 – 3 000,00 µg/g) au stade IRIS 1 sans protéinurie, 466,20 µg/g (377,00 à 2148,00 µg/g) au stade IRIS 1 intermédiaire et 4 600 µg/g (127,00 à 28 000,00 µg/g) au stade IRIS 1 avec protéinurie. À titre de comparaison, elle atteint seulement 83,33 µg/g (20,8 à 826,09 µg/g) dans le groupe témoin. De même, la valeur médiane du rapport NGAL-créatinine urinaires est de 2,19 ng/mg (0,57 à 7,68 ng/mg) au stade IRIS 1 sans protéinurie, 6,18 ng/mg (1,67 à 22,98 ng/mg) au stade IRIS 1 intermédiaire et 93,89 ng/mg (3,64 à 2187,65 ng/mg) au stade IRIS 1 avec protéinurie, contre 0,80 ng/mg seulement (0,41 à 2,85 ng/mg) dans le groupe témoin. En s'appuyant sur l'ensemble des paramètres mesurés, les auteurs retiennent la valeur seuil de 1,41 ng/mg pour le rapport NGAL-créatinine urinaires. Chez tous les chiens aux stades IRIS 1 intermédiaire et IRIS 1 avec protéinurie, le rapport NGAL-créatinine urinaires dépasse en effet ce seuil. Il en va de même chez 85 % des animaux au stade IRIS 1 sans protéinurie. Dans tous les cas, cette hausse, signe d'augmentation de la filtration glomérulaire, est statistiquement supérieure à celle du groupe témoin.

Hausse de la perméabilité glomérulaire dès le stade IRIS 1

Une augmentation du rapport NGAL-créatinine urinaires est donc détectée chez les animaux atteints de leishmaniose dès le stade IRIS 1, y compris dans 85 % des cas en l'absence de protéinurie. La hausse statistiquement significative des concentrations plasmatiques en SDMA et en cystatine C observées en parallèle de l'absence d'élévation de la créatininémie confirment l'hypothèse d'une augmentation très précoce de la perméabilité glomérulaire lors de leishmaniose. Une corrélation positive est mise en évidence entre concentrations plasmatiques de SDMA et de cystatine C d'une part, et rapport NGAL-créatinine urinaires d'autre part, en cas de protéinurie (r = 0,772 et r = 0,597 respectivement ; p < 0,001), ainsi qu'entre concentration de SDMA et rapport NGAL-créatinine urinaires en l'absence de protéinurie (r = 0,527; p < 0,01). Les chercheurs concluent que le rapport NGAL-créatinine urinaires est un indicateur fiable d'atteinte rénale chez les chiens atteints de leishmaniose, y compris en l'absence de protéinurie, avec une sensibilité et une spécificité qu'ils estiment respectivement à 90,6 % et à 73,3 %. D'après eux, l'utilisation de ce biomarqueur urinaire devrait se développer en médecine vétérinaire comme chez l'humain, y compris pour diagnostiquer d'autres affections rénales.