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Elanco & Proplan

5 octobre 2015

Tumeurs félines : une analyse rétrospective des fréquences par race, sexe et localisation

par Vincent Dedet

L'analyse rétrospective de plus de 18 000 cas de tumeurs félines diagnostiquées entre 1965 et 2008 en Suisse a permis de classer leur localisation par fréquence d'occurrence (LeFil d'après Graf et al., 2015).

La Suisse dispose à présent d’un registre des cancers félins. Construit a posteriori, il a permis de réaliser une étude épidémiologique des tumeurs félines de 1965 à 2008, qui vient d’être publiée. Elle confirme la prééminence des tumeurs cutanées, et la probabilité accrue de survenue de tumeurs chez les femelles. Quant aux races, les Européens sont les victimes les plus fréquentes de ces tumeurs.

 
L'analyse rétrospective de plus de 18 000 cas de tumeurs félines diagnostiquées entre 1965 et 2008 en Suisse a permis de classer leur localisation par fréquence d'occurrence (LeFil d'après Graf et al., 2015).
 

Il existe depuis peu en Suisse un registre des cancers félins, qui dispose de données pour une partie du pays sur plus de 40 ans, et sur la totalité du pays au cours des dernières années. Ce registre a été créé récemment, en rassemblant les données collectées en continu par les trois principaux laboratoires d’analyses vétérinaires suisses depuis 1965 (l’un des deux laboratoires universitaires, l’autre à partir de 1983 et le laboratoire privé à  partir de 2007). Il a été mis en place par un groupe d’universitaires et d’anatomo-pathologistes suisses, qui estime qu’il s’agit du seul registre de ce type au monde. Il contient les tumeurs bénignes et malignes.

Plus de 50 000 chats

Cette équipe ne s’est pas contentée de rassembler les données : elle en a fait une analyse épidémiologique, à partir de 51 322 cas. Le codage des tumeurs dans le registre a été réalisé selon la nomenclature humaine (International Classification of Oncology for Humans, ICDO-3), et seul un tiers des chats du registre (17 856, soit 34,8 %) avaient « une tumeur confirmée ». Comme 2,7 % des sujets cancéreux avaient plusieurs tumeurs, le nombre de ces dernières est de 18 375, à 80,3 % malignes. L'étude ne fournit que des fréquences d’occurrence, pas d’incidence, car la taille de la population féline suisse n’est pas connue avec précision.

Femelles stérilisées plus chanceuses

Du fait des effectifs du registre, les auteurs ont pu analyser la fréquence de survenue des tumeurs par sexe, mais avec une analyse pondérée des risques d'occurrence. Ainsi, les chats femelles ont 18 % de risques de plus que les mâles de développer une tumeur (Odds Ratio=1,18, p<0,01). Au sein de chaque sexe, la castration a également un effet protecteur : un mâle castré a 12 % de chances de moins qu’un mâle entier de développer une tumeur (OR=0,88, p<0,01) ; pour les femelles, cet effet est de 15 % (OR=0,85, p<0,01), mais il disparaît pour les tumeurs malignes.

Âge : risque en augmentation linéaire

Le risque de développer une tumeur, qu’elle soit bénigne ou maline, augmente régulièrement avec l’âge, dès 1 an. À 10 ans, il est 20 fois plus important que pour les chats de moins d’un an. Il atteint un plateau à 16 ans d’âge (risque 38 fois plus important que pour les chats < 1 an). Puis, il chute après 20 ans, mais le nombre d’animaux dans cette classe d’âge est trop faible pour pouvoir considérer cette dernière tendance comme avérée.

Devon Rex = Européen

Les races des chats n’étaient renseignées dans l’analyse statistique que lorsque plus de 90 sujets étaient représentés. Dans les autres cas, les sujets étaient entrés comme “autre race”. Ainsi, 18 races différentes sont renseignées, la plus représentée étant logiquement le chat Européen. Comme c’est aussi la race ayant la proportion la plus élevée de tumeurs (40,9 % des sujets), les comparaisons de fréquence ont été réalisées en la prenant en référence. La fréquence des tumeurs dans les autres races variait de 15,9 % pour les Sacré de Birmanie, à 34,4 % pour les Chartreux (voir le tableau ci-dessous). Les chats ayant la plus faible proportion de tumeurs maligne sont les Burmese (62,2 % des tumeurs). Les Devon Rex sont la race renseignée avec l’une des plus faibles fréquence de tumeurs (18,9 %), mais la fréquence de malignité la plus élevée (94,1 %).

Classement par fréquence d’occurrence des tumeurs selon la race (une race n’est citée que lorsque plus de 90 sujets sont présents dans le registre), sur les données suisses de 1965 à 2008 (LeFil, d'après Graf et al., 2015).

 

Malignité élevée : mélanomes et tumeurs osseuses

Le type de tissu affecté révèle une nette dominance des tumeurs épithéliales (43,1 % des tumeurs), qui sont malignes dans près des trois quarts des cas (73,9 %). Suivent : les tumeurs mésenchymateuses (28,0 %, malignes à 84,8 %) et les tumeurs lymphoïdes (21,3 %), presque toujours malignes (89,3 %). Les mélanomes (1,9 % des tumeurs) et les tumeurs osseuses (1,8 %) sont également presque toujours malignes (>93,5 %).

Localisation et taux de malignité

Quant à la localisation, la peau est le site privilégié des tumeurs félines : elle est concernée dans plus du quart des cas (27,1 %, et dans 63,4 % des cas il s’agit de tumeurs épithéliales), devant le tissu conjonctif (19,0 %, presque toujours – 97,7 % - des tumeurs mésenchymateuses). Les autres localisations sont largement moins fréquentes (voir le graphique principal). Toutefois, le taux de malignité des tumeurs de ces localisations est relativement faible (65 % pour la peau, 85 % pour le tissu conjonctif) par rapport aux ganglions lymphatiques (97,7 %), aux tumeurs osseuses, de la cavité abdominale ou encore du tractus urinaire (>90 % pour chacune). Les seuls reproches qui pourraient être faits à cette étude est de ne pas présenter une évolution temporelle de la fréquence des tumeurs par type, ni d'avoir exploré le statut virologique et vaccinal des chats — mais ces dernières informations n'étaient pas forcément disponibles.