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17 août 2015
Pourquoi la colistine est brutalement devenue critique chez l’homme mais pas chez les animaux
Pour l’Agence européenne du médicament, les usages fréquents et depuis des décennies de la colistine chez les animaux ne peuvent pas être tenus pour responsable de l’émergence récente des résistances dans les hôpitaux. Pourquoi…
La vieille colistine n’a jamais été un antibiotique apprécié des médecins du fait de sa néphrotoxicité. Mais en quelques années, elle a acquis le statut d’antibiotique de dernier recours pour lutter contre des infections nosocomiales dues à des bactéries Gram négatif multirésistantes BLSE (résistantes aux céphalosporines de dernières générations). Depuis lors, les résistances à la colistine, qui étaient inexistantes, sont apparues dans les hôpitaux, parfois à des taux élevés : 24 % dans un hôpital grec après seulement deux ans d’usage de la colistine.
Cette problématique de la résistance croissante à la colistine des entérobactéries BLSE chez l’homme a mis sous les feux de la rampe ses usages vétérinaires à la fois fréquents et anciens. Car en productions animales, la colistine est l’inverse d’un antibiotique de dernier recours. C’est même plutôt un antibiotique de première intention, voire parfois de prévention quand le risque infectieux apparaît élevé. Elle permet de lutter par voie orale contre les infections digestives des jeunes animaux, porcelets, veaux, volailles, lapins…, notamment lors du sevrage ou de l’allotement.
Un arbitrage européen a d’ailleurs conduit à modifier cet été les notices et les RCP (résumés des caractéristiques du produit) des médicaments vétérinaires à base de colistine seule par voie orale (voir le Fil du 3 août 2015).
« Aucune donnée ne met en évidence un impact de l’usage vétérinaire de la colistine sur la résistance chez l’homme, » souligne un rapport l’Agence européenne du médicament. « Même si un transfert des résistances ne peut pas être totalement exclu ». Ce rapport avance de nombreux arguments pour appuyer sa position finalement rassurante.
D’abord, la résistance à la colistine en productions animales reste à un niveau faible « malgré des décennies d’un usage abondant ». À l’inverse, l’émergence des résistances dans les infections hospitalières est un phénomène récent apparu brutalement après que la colistine soit utilisée en dernier recours dans les hôpitaux contre les entérobactéries BLSE.
Ensuite, la résistance à la colistine est acquise par mutation. La bactérie mutante modifie la composition de sa membrane phospholipidique en la rendant moins sensible à l’action de la colistine et des autres polymyxines. Il s’agit d’une résistance chromosomique non transférable et instable (avec un retour à la sensibilité de la souche mutante après quelques passages in vitro). « L’instabilité de la résistance à la colistine et l’absence de transfert horizontal de ces mutations limitent le risque d’une diffusion rapide de la résistance à la colistine » conclut le rapport.
En outre, la présence de colistine conduit à diminuer par mille la capacité de conjugaison des bactéries et de transfert horizontal des gènes de résistances portées par des plasmides. Ainsi, dans certaines circonstances cliniques, la colistine est aussi utilisée en médecine humaine pour empêcher la conjugaison et la diffusion horizontale des multirésistances plasmidiques.
Dernier argument. Le retrait de la colistine, ou même seulement un usage restreint à la seconde intention ou aux seuls traitements individuels après antibiogramme, aboutirait à accroître les consommations d’autres antibiotiques plus préoccupants en termes de résistance, notamment des antibiotiques critiques comme les céphalosporines de troisième et quatrième générations (C3G/C4G), ou les fluoroquinolones. L’impact ne serait donc pas positif en termes de résistances, mais plutôt négatif.
Ce rapport est toutefois plus critique sur les associations de colistine avec un autre antibiotique. Elles devront être mieux justifiées ou, à défaut, supprimées. Un nouvel arbitrage européen est d’ailleurs en cours sur ces combinaisons.
Enfin, l’Agence préconise aussi de mettre la colistine sous surveillance, aussi bien en termes d’usages et de quantités consommées, que pour l’émergence de résistances des germes zoonotiques (Salmonella, Campylobacter), des germes indicateurs de la flore commensale (E. coli et entérocoques) et des germes pathogènes.
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