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8 janvier 2019
Le règlement médicament véto est paru. Il s'appliquera le 28 janvier… 2022. Trois ans pour tout reconstruire
2019/6. Retenez bien ce numéro. Il vous sera répété de plus en plus souvent dans les années à venir. C'est la référence du nouveau règlement « médicament vétérinaire » qui abroge et remplace la quasi-totalité de nos dispositions nationales sur la pharmacie.
La parution du pack européen sur la pharmacie vétérinaire était annoncée comme imminente depuis plusieurs semaines et attendue avant la fin de l'année 2018. Il avait été signé officiellement le 11 décembre. Mais ce n'est finalement que le 7 janvier 2019 que le Journal officiel de l'Union européenne a publié ce pack vétérinaire composé de trois règlements applicables au 28 janvier 2022 sans transposition en droit national :
Cette refonte totale de la réglementation sur le médicament vétérinaire a démarré il y a plus de dix ans, le 30 septembre 2008, sur la base d'un constat des autorités. La réglementation actuelle sur le médicament vétérinaire, en miroir de celle sur le médicament humain, est « une catastrophe ». Car elle est « inadaptée à la santé animale, trop contraignante, trop complexe, trop lourde, trop rigide, trop coûteuse. Elle bloque les innovations et aboutit à des vides thérapeutiques dans les trop petits marchés : les petits pays, les espèces mineures, les maladies orphelines ». Bref, en 2008, l'autocritique des autorités nationales était à son paroxysme. L'objectif était clair. Rendre la réglementation européenne « plus simple, plus claire, plus rapide pour l'octroi des AMM des médicaments nouveaux, moins contraignante et moins coûteuse pour que les espèces mineures comme les petits pays de l'UE28 puissent bénéficier d'un large arsenal thérapeutique dans un marché unique ». A cette date, le mot antibiotique n'était pas encore tabou.
Soyons clairs. La refonte totale ne répond pas vraiment à ses objectifs de 2008. Le nouveau texte est environ deux fois plus « lourd » en nombre de pages (125 pages contre 63) que le précédent et largement aussi complexe. Le résultat est beaucoup « moins révolutionnaire » qu'annoncé. Si en 2008 les autorités étaient prêtes à rêver de renverser la table, cela n'est plus du tout le cas en 2018. Pour éviter que ce rêve ne tourne au cauchemar, les autorités de chaque pays se sont finalement battues durant les deux dernières années de négociations pour que le nouveau règlement soit compatible avec les pratiques nationales existantes de toute l'UE28, bref pour éviter de tout casser d'un coup.
Ainsi ce règlement n'est pas celui du découplage. Chaque pays conserve ses ayants droit et ses propres circuits de distribution.
Ce règlement ne sera pas encore celui du marché unique d'un médicament vétérinaire qui circulerait librement d'un pays à un autre. Un médicament autorisé seulement en Roumanie ne pourra pas être vendu dans l'hexagone s'il n'a pas aussi obtenu son AMM en France. C'est l'exact contraire de ce qui était revendiqué en 2008.
Les ventes en ligne intra-UE sont restreintes à des médicaments « sans ordonnance » et dans le respect des règles de délivrance du pays de destination. L'ayant droit roumain qui exploite un site de vente en ligne devra livrer un médicament « français » en France, « polonais » en Pologne etc. Les rares pays qui souhaitaient conserver la possibilité de vendre en ligne les médicaments sur prescription pourront le faire, mais sur leur seul territoire, et s'engager à faire respecter cette restriction. Après le brexit, les Pays-Bas semblent les seuls à défendre ces ventes en lignes.
Par contre, depuis 2008, le débat sur l'antibiorésistance a conduit à y ajouter des mesures européennes de restrictions sur les antibiotiques. Au point que les rapporteurs de ce règlement ne communiquent plus que sur ce point.
Cette refonte ne bouscule donc pas vraiment l'organisation de la pharmacie vétérinaire en France, aussi bien en amont (AMM) que dans la distribution en gros ou la prescription-délivrance au détail. Mais « le diable peut parfois se cacher dans les détails ».
Et, dans les détails, presque tout devra être reconstruit d'ici au 28 janvier 2022, la date d'application. Il faudra donc que « tout change » pour s'assurer « rien ou presque ne change » en matière de médicament vétérinaire.
En 3 ans et 20 jours, la Commission européenne devra préparer avec les États membres, 27 règlements délégués ou d'exécution, comme listes d'antibiotiques humains qui seront interdits d'usage chez les animaux.
La France, comme les États membres devront aussi prendre de nombreux textes d'application pour la mise en œuvre concrète des différentes options réglementaires ouvertes par ce règlement, comme sur les ventes en ligne, ou la publicité sur les vaccins.
En outre, notre droit national, principalement le code de la santé publique, devra être expurgé de toutes les dispositions couvertes par le droit européen afin d'éviter d'avoir des dispositions nationales en doublon et surtout contraires au droit européen. Cela nécessitera au minimum un projet de loi (ou une ordonnance législative) ainsi que de nombreux décrets et arrêtés.
Cette première publication n'annonce donc pas la fin du processus de refonte, mais son début. Une multitude de textes européens et français devraient mieux en préciser les contours avant le 28 janvier 2022. Mais voici déjà une première sélection de quelques points les plus importants de ce règlement.
Dans ce nouveau règlement, la prise en compte du risque de résistance aux antibiotiques est élargie aux autres antimicrobiens : anticoccidiens, antifongiques, antiviraux. Les mesures de restriction ne visent donc pas seulement les antibiotiques, mais aussi les traitements contre les coccidioses ou les teignes.
La Commission publiera différentes listes de molécules critiques dont une liste d'antimicrobiens interdits chez les animaux et donc réservés à l'usage humain. En outre, pour compliquer encore davantage, cela ne s'oppose pas à ce que chaque pays applique aussi ses propres listes nationales d'antibiotiques critiques. La notion de molécule critique était déjà complexe entre les différents critères de la médecine humaine et de la santé animale… Elle risque de le devenir bien davantage à l'avenir.
La prévention avec un antimicrobien n'est pas interdite, mais réservée à « des cas exceptionnels » pour un seul animal ou un nombre restreint d'animaux en administration individuelle. La métaphylaxie est définie et encadrée.
Une prescription d'antibiotiques ne sera valable que cinq jours. Ce qui signifie qu'une ordonnance ne pourra plus être délivrée si elle date de plus de cinq jours. En revanche, la durée du traitement n'est pas limitée à cinq jours.
Le suivi des usages des antimicrobiens (anticoccidiens et antifongiques inclus) est prévu à l'échelle des élevages pour les antimicrobiens avec un calendrier d'application qui s'étend jusqu'à la fin de la décennie…
Sur la phytothérapie, le règlement ne prévoit rien de neuf. Il engage seulement la Commission européenne à rendre un rapport sur ce sujet en… 2027.
L'écotoxicité peut devenir mortelle pour les antiparasitaires les plus rémanents. En productions animales, l'AMM devrait être refusée (voire retirée) pour une substance PBT (persistante, bioaccumulative, toxique) ou vPvB sauf s'il est démontré que le médicament est essentiel.
En revanche, les vaccins continuent à avoir le vent en poupe. La publicité pour les vaccins à destination des éleveurs deviendra possible en 2022 si la France le permet sur son territoire. Elle reste interdite pour les autres médicaments sur prescription.
La prescription par un vétérinaire est valable dans toute l'UE. Elle est rédigée après examen clinique ou, hors examen, après évaluation de l'état de santé du ou des animaux, ce qui apparaît compatible avec le dispositif français de prescription-délivrance hors examen clinique. L'ordonnance n'est valable que pour les quantités prescrites. Le renouvellement de la délivrance à partir d'une ancienne ordonnance est interdit.
Les ventes en ligne au détail intra-UE sont réduites aux médicaments sans ordonnance. Il sera donc possible de commander un médicament sans ordonnance sur un site de vente en ligne situé en France ou ailleurs dans l'Union européenne. Mais celui qui sera livré en France, devra être étiqueté en français. Des États membres peuvent aussi autoriser les ventes en ligne pour des médicaments soumis à prescription, mais en les restreignant alors strictement à leur seul territoire national. Les sites de ventes en ligne, tenus par des ayants droit, devront tous être contrôlés et labellisés.
La cascade est simplifiée et devrait permettre d'accéder plus facilement aux médicaments vétérinaires autorisés dans d'autres pays de l'UE, voire, mais seulement en dernier recours, à des médicaments autorisés dans des pays tiers. Ces importations depuis les USA sont aujourd'hui interdites malgré les grandes facilités à passer des commandes en ligne. Dans certains cas, les vaccins entre autres, les temps d'attente « cascade » seront raccourcis à un seul jour.
Un dispositif anti-cadeaux interdit à un ayant droit de recevoir des cadeaux ou des avantages financiers ou en nature, sauf s'ils sont de faible valeur, en lien avec le médicament (une seringue doseuse…), sauf pour l'hospitalité offerte pour des réunions professionnelles et sauf les pratiques commerciales existantes telles que les remises.
Les distributeurs en gros pourront livrer des ayants droit dans toute l'UE mais seulement avec des médicaments étiquetés avec l'AMM du pays de destination (et donc dans la langue officielle de ce pays).
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