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Elanco & Proplan

19 novembre 2024

Prévention du syndrome de dysfonctionnement cognitif félin : le rôle essentiel de la nutrition

par Pascale Pibot

Temps de lecture  7 min

De nombreux nutriments sont susceptibles de freiner le déclin cognitif du chat âgé (cliché Pixabay).
De nombreux nutriments sont susceptibles de freiner le déclin cognitif du chat âgé (cliché Pixabay).
 

Les chats subissent des changements neuropathologiques liés à l'âge, similaires à ceux observés chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Une étude a rapporté que 28 % des chats âgés de 11 à 14 ans (sans maladie systémique) présentent au moins un signe comportemental attribuable au syndrome de dysfonctionnement cognitif (SDC) et que 50 % des chats âgés de 15 ans et plus sont concernés [1].

Malgré la prévalence du SDC dans la population féline, ses conséquences sont souvent considérées comme des signes de vieillissement « normal », ce qui empêche sa prise en charge médicale, et nutritionnelle. Même si les liens entre nutrition et déclin cognitif ont été davantage étudiés chez le chien que chez le chat, ils font aujourd'hui l'objet d'une attention accrue. Ces liens sont notamment explorés dans une revue bibliographique publiée cette année [2].

Nutrition et lutte contre le stress

La disponibilité des précurseurs de certains neurotransmetteurs et d'hormones peut influencer les comportements sur lesquels ils agissent. Le tryptophane et la tyrosine, par exemple, sont des précurseurs de la sérotonine et de la dopamine, deux neurotransmetteurs qui jouent un rôle important dans la stabilité émotionnelle.

Dans de nombreuses espèces (dont le chien), un faible niveau de sérotonine est associé à de l'agressivité alors que certaines études ont montré qu'une alimentation riche en tryptophane contribue à réduire l'agressivité et à améliorer la capacité de l'individu à faire face au stress.

Chez le chat, des résultats préliminaires indiquent aussi que certains nutriments jouent un rôle bénéfique pour limiter le stress. Un régime alimentaire supplémenté en hydrolysat de protéines de lait (contenant de l'α-casozépine) et en L-tryptophane peut notamment contribuer à réduire l'anxiété dans cette espèce

Rôle du microbiome intestinal

Le microbiome intestinal influence également la cognition et le comportement puisqu'il existe une communication bidirectionnelle entre le cerveau et le tractus gastro-intestinal. Lorsqu'un chat subit un stress, l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPS) est activé, du cortisol est produit en excès, ce qui modifie la motilité et la production des sécrétions intestinales. Le stress entraîne aussi une augmentation de la perméabilité de l'intestin, permettant à des bactéries de franchir la barrière épithéliale et la réponse immunitaire inflammatoire active alors encore plus l'axe HPS.

Si l'axe HPS influence la composition du microbiome intestinal, l'inverse est également vrai : certaines bactéries produisent des neurotransmetteurs (ou leurs précurseurs) qui peuvent interagir avec l'axe HPS et moduler la réponse au stress.

Prise en charge diététique du SDC : anti-oxydants et AGPI

Selon l'American Association of Feline Practitioners (AAFP), la prise en charge d'un SDC passe par l'optimisation de l'environnement, une supplémentation en acides gras essentiels, antioxydants et vitamines B, ainsi que l'utilisation de phéromones.

Peu d'études ont été réalisées sur la prise en charge diététique du SDC félin mais les résultats obtenus dans d'autres espèces peuvent être intéressants. Plusieurs essais menés sur des chiens présentant un SDC ont par exemple montré l'effet positif de régimes contenant une combinaison de vitamines, d'antioxydants et d'acides gras essentiels.

Le stress oxydatif résulte en effet d'un déséquilibre dans l'organisme entre les agents pro- et antioxydants. Comme la capacité antioxydante endogène diminue avec l'âge, le stress oxydatif menace les animaux vieillissants. Le cerveau est particulièrement sensible à ce phénomène à cause de son métabolisme actif, sa forte consommation d'oxygène et sa concentration relativement faible en antioxydants endogènes.

L'augmentation de la production de radicaux libres peut altérer le fonctionnement neuronal et entraîner la mort neuronale. L'augmentation de la peroxydation des lipides peut également entraîner des lésions de l'ADN ou de l'ARN cérébral. L'inclusion d'antioxydants dans l'alimentation est donc recommandée pour ralentir le déclin cognitif.

L'EPA et le DHA sont des acides gras poly-insaturés (AGPI) essentiels au fonctionnement du cerveau. Le DHA joue notamment un rôle fondamental dans la production de phosphatidylsérine, un composé présent dans la membrane cellulaire des neurones qui activent les voies de signalisation du système nerveux. Les acides gras oméga-3 jouent également un rôle inhibiteur de l'inflammation, considérée comme un facteur majeur du déclin des fonctions cérébrales.

Chez l'homme, une supplémentation en EPA-DHA fait partie des recommandations nutritionnelles destinées à ralentir le déclin cognitif bien que les niveaux optimaux restent à déterminer. Chez le chat, il est prudent de ne pas dépasser la dose de 2800 mg d'EPA-DHA pour 100 kcal.

Résultats obtenus chez le chat

  • Une complémentation avec de l'huile de poisson, des antioxydants, de l'arginine et des vitamines B a eu un effet bénéfique sur divers paramètres indicateurs des capacités d'apprentissage et de discrimination spatiale chez des chats d'âge moyen à avancé [3]. Bien que cette étude n'ait pas inclus de chats présentant un SDC, les résultats suggèrent qu'un tel régime pourrait être bénéfique au fonctionnement cognitif.
  • Une étude contrôlée et randomisée a permis d'observer l'effet d'un aliment enrichi en antioxydants (notamment de la vitamine E, de l'acide ascorbique, du bêta-carotène), en acides gras oméga-6 et oméga-3 et en L-carnitine sur le comportement de 105 chats âgés de plus de 9 ans. Les propriétaires des chats ayant reçu cet aliment ont signalé une amélioration de la vitalité, des interactions avec les membres de la famille et de la capacité à courir et à jouer de leurs animaux par rapport aux chats du groupe témoin [4].
  • Une étude sur 46 chats a montré que la distribution pendant 30 jours d'un aliment supplémenté en tocophérols, L-carnitine, vitamine C, bêta-carotène, acide docosahexaénoïque, cystéine et méthionine est associé à une augmentation du niveau d'activité par rapport aux chats recevant l'aliment témoin [5].
  • D'autres travaux ont comparé les effets métaboliques d'un aliment enrichi en fibres variées, polyphénols, huile de poisson, vitamines et minéraux et d'un aliment témoin. Les chats recevant l'aliment test présentaient des niveaux plus faibles de métabolites associés au vieillissement et des niveaux plus élevés de métabolites associés à des processus bénéfiques (par exemple les tocophérols) [6].
  • La S-adénosyl-1-méthionine (SAMe) contribue à maintenir la fluidité des membranes cellulaires et à stimuler la production de glutathion, un antioxydant. Des études préliminaires faites chez le chat ont montré que l'utilisation de suppléments de tosylate de SAMe améliore certaines fonctions cérébrales chez les chats âgés, mais que le bénéfice potentiel serait surtout intéressant en début d'évolution d'un SDC [7,8].

Nutriments potentiellement intéressants lors de SDC

D'autres nutriments sont supposés être bénéfiques pour le cerveau, mais leurs effets n'ont pas été testés spécifiquement chez le chat.

  • L'arginine améliore la synthèse de l'oxyde nitrique. Il a été montré qu'elle participe au maintien d'une cognition normale chez l'homme.
  • La vitamine B6 contribue au fonctionnement normal du cerveau et a des effets neuroprotecteurs.
  • La vitamine B12 et l'acide folique jouent aussi un rôle important : de faibles taux sont considérés comme des facteurs de risque vis-à-vis des accidents vasculaires cérébraux et de la démence sénile.
  • La L-carnitine a un effet antioxydant et s'est révélée neuroprotectrice.
  • Une supplémentation en triglycérides à chaîne moyenne (TCM) contribue à améliorer la mémoire chez les personnes souffrant de SDC. Chez le chien, la supplémentation en TCM serait également bénéfique à la fonction cognitive : elle améliorerait le comportement des chiens épileptiques [9] et les capacités d'attention chez les chiens âgés [10]. Bien que TCM soient généralement inappétents chez le chat, leurs effets mériteraient d'être explorés en cas de SDC.

Des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer les associations de nutriments, (ainsi que les concentrations optimales de ces nutriments) permettant de combattre la neurodégénérescence et de ralentir l'évolution d'un SDC chez le chat. Les relations entre le microbiome, l'axe cerveau-intestin et le comportement félin restent également à explorer.