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Elanco & Proplan

13 novembre 2024

Fractures maxillo-faciales du lapin : signes peu évocateurs mais bonne évolution après prise en charge

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Une fracture des os de la sphère maxillo-faciale fait souvent suite à un accident provoqué par le propriétaire, qui marche sur lui, l'écrase avec sa chaise… (cliché Pixabay).
Une fracture des os de la sphère maxillo-faciale fait souvent suite à un accident provoqué par le propriétaire, qui marche sur lui, l'écrase avec sa chaise… (cliché Pixabay).
 

Le lapin est naturellement prédisposé aux fractures osseuses, en lien avec la finesse de ses os relativement à sa masse musculaire… et à son comportement. Dans une étude rétrospective sur 27 cas de fractures de la sphère maxillo-faciale, la principale cause était anthropogénique.

Ces fractures entraînent des signes pouvant être initialement confondus avec d'autres affections, en particulier d'origine dentaire. D'où l'importance du diagnostic différentiel.

Plutôt de jeunes lapin, mâles entiers

Cette étude a inclus des cas pris en charge dans 3 établissements vétérinaires disposant d'un « service Nac », sur la période 2008-2022. Les 27 lapins totalisaient 45 fractures osseuses au niveau de la mâchoire ou de la face, c'est-à-dire touchant : mandibule, maxillaire, os incisif, os du palais, os zygomatique, lacrymal, frontal et/ou nasal.

Ces lapins étaient majoritairement âgés de moins de 2 ans (âge médian : 18 mois). Et il s'agissait pour moitié de mâles non castrés.

Dans une large majorité de cas (16/27) la cause des fractures était donc anthropogénique (marcher ou tomber sur son lapin par exemple, ou le coincer dans des portes coulissantes, ou une chaise pliante…). Les autres causes étaient une agression/prédation (3 cas, dont 2 dus à un chien et 1 à un autre lapin), un traumatisme iatrogénique (extractions dentaires, 2 cas), un autre type de traumatisme (4 cas, une blessure en jouant par exemple). Pour 2 lapins, l'origine n'était pas spécifiée.

Des signes peu spécifiques

Le motif de consultation est le plus souvent une anorexie ou une baisse d'appétit (17 sur les 23 cas pour lesquels l'information était renseignée). Des saignements locaux ont motivé la présentation dans 6 cas, une léthargie dans 5 cas.

À l'examen clinique, les anomalies sont rarement spécifiques et peuvent évoquer d'autres affections, notamment dentaires. Elles étaient renseignées dans 25 cas et comprennent :

  • Une malocclusion dentaire dans 12/25,
  • Une douleur cranio-faciale dans 9/25,
  • Des crépitements à la manipulation dans 9/25,
  • Un œdème dans 7/25,
  • La présence de sang dans la bouche dans 6 cas,
  • Et des anomalies respiratoires (dyspnée, stertor) dans 5.

Des examens d'imagerie permettent alors de diagnostiquer la ou les fractures : radiographie dans 17 cas ici, scanner (7 cas), ou les deux (3 cas).

Demander au propriétaire si le lapin a fait l'objet d'un traumatisme récent aide à suspecter une fracture.

Surtout des fractures mandibulaires

Ces fractures étaient le plus souvent multiples (15 cas sur 27), totalisant donc 45 lésions. Une fracture de la mandibule est de loin la plus fréquente (concernant 23 lapins ici), avec une séparation de la symphyse mandibulaire (SSM, la symphyse n'étant pas ossifiée chez le lapin) pour 13.

24 lapins traités

À l'annonce du diagnostic, 3 lapins ont été euthanasiés au motif d'un pronostic sombre (2 cas) ou de considérations financières (1 cas). Les 24 autres ont été traités, chirurgicalement ou médicalement.

Comme chez le chien ou le chat, l'objectif de la prise en charge est la récupération rapide d'une fonction normale et le rétablissement d'une bonne occlusion dentaire, la stabilisation de la fracture, et la prévention de lésions additionnelles des dents et des tissus environnants. Chez le lapin, un retour précoce à une alimentation normale est crucial aussi, pour minimiser les complications digestives et la mortalité.

En termes de traitements médicaux, le protocole a inclus :

  • Des analgésiques (morphiniques) chez 19 lapins,
  • Des AINS chez 23,
  • Une fluidothérapie chez 10,
  • Des antibiotiques chez 18.

Une alimentation assistée a été mise en place chez 20 sujets, le plus souvent un gavage à la seringue ; dans 2 cas, une sonde nasogastrique a été utilisée.

Dans les cas de SSM, un cerclage a été posé chirurgicalement le plus souvent, suivant la même technique que celle usuellement suivie chez un chien ou un chat.

Dans les cas de fracture unilatérale, un traitement conservateur peut être suffisant selon les auteurs : la capacité du lapin à mastiquer du côté opposé à des lésions dentaires laisse penser en effet que la stabilisation de la symphyse mandibulaire permet de conserver une fonction masticatoire appropriée.

Évolution favorable

L'évolution a été généralement favorable chez les lapins traités, avec une reprise de l'alimentation spontanée dans tous les cas, après un délai médian de 1 jour (2 jours en cas de SSM traitée par cerclage).

Seul un lapin supplémentaire a été euthanasié en cours d'hospitalisation ; il présentait initialement des lésions surinfectées (suite à fractures successives à des extractions dentaires).

Le suivi à long terme de 16 lapins a montré que 8 d'entre eux étaient toujours en vie à l'issue de l'étude (septembre 2023). Chez les lapins décédés, la cause de la mort n'était pas en lien avec l'historique de fractures maxillo-faciales.

Complications fréquentes mais bénignes

En termes de complications, seuls des cas de malocclusions dentaires sont rapportés, mais fréquents : chez 12 des 16 lapins suivis. Des signes cliniques étaient toutefois associés dans 5 cas seulement, nécessitant une nouvelle intervention. Un suivi à long terme serait néanmoins nécessaire pour vérifier l'absence de conséquences cliniques de ces malocclusions.

Selon les auteurs, une récupération rapide de la fonctionnalité de la mâchoire est le plus important, et l'observation de comportements normaux d'alimentation et de toilettage permet d'évaluer si le traitement analgésique est approprié.