titre_lefil
logo_elanco

18 avril 2024

Avec ou sans loi sur les chiens dangereux : la fréquentation des urgences pour morsure est la même

par Vincent Dedet

Temps de lecture  3 min

Une nouvelle étude, américaine cette fois, démontre que les municipalités où une loi sur les chiens dangereux, qui cible certaines races, est adoptée, n'ont pas moins de morsures graves que les autres (cliché Wikimedia).
Une nouvelle étude, américaine cette fois, démontre que les municipalités où une loi sur les chiens dangereux, qui cible certaines races, est adoptée, n'ont pas moins de morsures graves que les autres (cliché Wikimedia).
 

Finalement, les lois sur les chiens dangereux font-elles la différence au plan de la santé publique ? Deux scientifiques spécialisés en protection animale viennent de répondre par la négative, avec des arguments. Ils ont pris l'état du Missouri (USA) comme objet d'étude : différentes communes de cet état ont passé une loi sur les chiens dangereux, puis certaines de ces communes l'ont abrogée. Les auteurs ont donc compilé les passages aux urgences pour morsures canines dans les différentes communes, ont lissé les chiffres par saison et pris en compte différents facteurs de risque. Au final : il n'y a pas plus d'humains mordus nécessitant des soins médicaux en urgence dans les communes où les races dites dangereuses sont autorisées que dans celles où elles sont interdites.

Moins de morsures

Aux USA, les morsures de chiens sont au 8e rang des causes de blessures non fatales des enfants de moins de 15 ans. La fréquence des consultations aux urgences pour ce motif, quel que soit l'âge de la personne mordue, est toutefois en recul : de 112 à 107 consultations par 100 000 habitants, entre 2010-2015 et 2015-2020. Ce chiffre, mis en regard de l'augmentation du nombre de foyers possédant au moins un chien (54 % des foyers étatsuniens) devrait convier à un certain optimisme. Ce recul peut-il être lié aux lois sur les chiens dangereux ?

Abrogations progressives

Aux USA, il n'y a pas de loi fédérale sur les chiens dangereux, mais de nombreuses communes ont pu voter l'application d'une loi sur les races dangereuses, soit en bannissant la possession, sont en la limitant, en imposant une déclaration, le port de la muselière, une obligation d'assurance et/ou des taxes spécifiques. De nombreux travaux ont cependant montré que ni le risque d'être mordu, ni la force de la morsure ne sont associés à une race particulière de chiens. Au cours des années 2010, 70 municipalités du Missouri ont adopté une loi ciblant des races canines considérées comme dangereuses. Mais plusieurs d'entre elles ont abrogé cette loi, au fil des ans, du fait de l'absence démontrée de son efficacité. Les auteurs ont extrait des données publiques les motifs de consultation aux urgences des hôpitaux de tout l'état du Missouri, puis ont croisé ces données avec le code postal de résidence des patients. Le motif de consultation « morsure de chien » étant codé, il est possible de ne disposer que de ces patients, et d'obtenir la densité d'habitants du même canton de résidence via les statistiques publiques. Les auteurs disposent même ainsi du nombre de garçons de 5 à 9, et de 10 à 14 ans, par canton et sur la période de leur étude (2010-2015). Enfin, ils disposent de la proportion de foyers à posséder un chien, par code postal.

Pas d'efficacité significative

Les auteurs calculent ainsi que le taux de morsures nécessitant un passage aux urgences était de 98,93 pour 100 000 habitants dans les municipalités n'ayant pas adopté de loi sur les chiens dangereux, contre 104,17 par 100 000 habitants pour celles ayant adopté une telle loi. La différence entre les deux nombres n'est pas significative (p=0,39). C'est aussi valable pour les morsures sur enfants de 5 à 9 ans (p=0,27) et pour celles sur enfants de 10 à 14 ans (p=0,94). Il n'y avait pas plus de morsures parmi les foyers à plusieurs chiens, selon le choix de la municipalité (p=0,86). Lorsqu'ils construisent un modèle de régression multivarié pour prendre en compte les facteurs de confusion, les auteurs n'identifient pas non plus d'association entre le fait d'avoir adopté une loi sur les chiens dangereux et le taux de morsures nécessitant un passage aux urgences. En fait, le seul facteur qui est trouvé associé à ce risque est… la densité de population en jeunes garçons de 5 à 9 ans d'âge. Plus précisément : « pour chaque augmentation de 1 % de la population masculine de 5 à 9 ans, le taux d'incidence des morsures devrait augmenter de 13,8 % (p < 0,01) ».

Ainsi, « le taux de consultations aux urgences pour des blessures liées à des morsures de chien n'est pas lié aux restrictions imposées aux habitants des communautés en matière de races de chiens ». Un résultat vient grossir le corpus des études réalisées au Canada, en Espagne, en Irlande, en Écosse, aux Pays-Bas et au Danemark démontrant que les lois ciblant des races spécifiques ne sont pas efficaces pour réduire la fréquence des morsures.